Live Report’: Le Nouveau Monde célébré à Pleyel par l’ONDIF ce week-end
Puisque l’heure est au changement, ce dimanche 27 mai, L’orchestre national d’île France célébrait le nouveau monde. A cette occasion, il donnait à entendre Beethoven( Léonore III ouverture en ut majeur), Schumann (concerto pour violoncelle et orchestre en la mineur op 129) accompagnant la jeune et talentueuse Tatiana Vassiljeva, et bien évidemment Dvorak puisqu’il n’est pas de nouveau monde sans la fameuse symphonie du même nom. Trois oeuvres rapprochées pour leur caractère tant que pour leur apport novateur dans le monde musical, admirablement exécutées sous la baguette de Yoel Levi.
Dès le début du concert l’on sent en Yoel Lévi l’envie de mettre en valeur les contrastes tant de nuances que de tempos. La concentration et l’attention sont à leur comble et il semble se dégager une réelle osmose entre l’orchestre et le chef. L’ensemble fait preuve d’une extrême sensibilité ménageant admirablement le suspense de l’œuvre de Beethoven initialement prévue comme ouverture pour Fidelio, son unique opéra. Entre douceur et brutalité Yoel Levi ménage les effets dramatiques pour mieux faire ressortir tout le dualisme de cette œuvre novatrice en son temps. Une ouverture de concert qui présageait donc du meilleur pour la suite, et il faut admettre que l’on ne fut pas deçus.
Tatjana Vassilejeva arrive ensuite sur scène, souriante, resplendissante, dan sune robe impressionnante, façonnée de façon à imiter et épouser parfaitement son instrument. Avant même d’avoir joué, sa beauté et son élégance fascinent l’auditoire, son talent achèvera ensuite de nous envouter. Alors qu’elle pose les premières notes on la sent rapidement très habitée, à tel point que l’on a le sentiment d’une dramatisation forcée et excessive. Toutefois il faut reconnaitre que la tâche n’est pas facile, en effet, dans ce concerto de Robert Schumann le violoncelliste livre un combat virtuose, tant avec lui-même qu’avec cette puissance collective forte et résonnante qu’est l’orchestre. La poésie, la douceur et la rondeur du son de Tatjana n’’ont toutefois aucun mal à passer et à rivaliser avec cette immensité instrumentale. Dans cette partition, les trois mouvements s’enchainent sans interruption. Si l’on peine à être emportés au début de l’œuvre, l’artiste semble se détendre peu à peu, se libérer et s’épanouir au fil des notes. Son adagio est bouleversant, toutes les couleurs de son instrument ressortent, les notes les plus graves comme les plus aigues sonnent et résonnent avec une rondeur à la fois douce et sensuelle. Petit à petit, elle se délivre du combat, cesse d’être dans la bataille héroïque pour véritablement s’amuser, jouer avec l’orchestre. Ainsi les phrases s’échangent et glissent aisément de l’un à l’autre, l’on sent d’ailleurs une grande complicité entre elle et le chef. Tatjana est souriante, rieuse, elle semble plaisanter, taquiner la musique, un ravissement tant pour les yeux que pour les oreilles. Le combat devient un jeu subtil, presque enfantin, aussi elle aborde le troisième mouvement, un Vivace avec une aisance presque insolente, tout parait facile entre les mains de cette violoncelliste. Le drame, la passion, la mélancolie, le charme, la douceur, Tatjana esquisse sur sa toile les plus belles couleurs de son instrument, subjuguant littéralement l’auditoire exigeant de la salle Pleyel. A peine eut elle posé la dernière note que des » bravo » fusèrent et des applaudissements tonitruants explosèrent.
Après l’entracte, place à la symphonie du nouveau monde, chef d’œuvre d’Anton Dvorak. Encore une fois Yoel Levi ménage et multiplie les effets de suspense, prenant soin de marquer chaque silence, d’exagérer chaque nuance. Le chef prend d’énormes risques qui s’ils surprennent parfois, permettent de mettre en valeur chaque timbre, chaque instrument pleinement. Ainsi, chaque intervention est soigneusement posée, précautionneusement amenée pour mieux rendre sonores toutes les impressions ressenties par le compositeur lorsqu’il découvre le Nouveau Monde, les États-Unis, en 1892-1895. Dans le deuxième mouvement ou se mêlent à la fois sérénité et obscurité, le cor anglais vient résonner, calme, candide, et inquiet à la fois. Ces oppositions qui caractérisent l’œuvre sont dans chacun des mouvements, littéralement magnifiées. Yoel Levi instaure dans toute l’œuvre beaucoup d’élan et met en valeur l’action au sens théâtral du terme. L’intensité dramatique de la pièce est à son comble, le chef a su, là encore faire ressortir toute la dualité de cette pièce. Ainsi, l’on oscille en permanence entre paisible quiétude, émerveillement face au nouveau monde, évocation de la grandeur, de la splendeur, et tourment, inquiétude, peur de l’inconnu. Là encore, à peine la dernière note fut elle posée que retentit salle Pleyel un tonnerre d’applaudissements. L’orchestre comme le chef est ovationné, le public est galvanisé et ne veut cesser d’applaudir. Pour preuve de cet immense succès, l’orchestre interprétera par la suite trois bis.
Marie Chariotte Mallard – toutelaculture.com, 30 mai 2012